J’aillais réagir sur un billet concernant le streaming dans le livre, mais finalement c’est toute la mise en contexte que je rejette. Je me méfie beaucoup des chiffres sur la musique. Regardons un peu plus près :
Un achat pour 400 écoutes
0,04 centimes par achat numérique et 0,0001 par écoute, ça veut dire qu’un achat rapporte autant que 400 écoutes.
Il serait intéressant de savoir combien de fois on écoute habituellement nos titres achetés. Si c’est du même ordre de grandeur, alors on peu ignorer superbement tous ceux qui critiquent la rémunération du streaming.
Il faut aussi prendre en compte que le streaming ne remplace pas forcément un achat, particulièrement les écoutes gratuites. Il se fait aussi pour des titres qu’on n’aurait pas acheté, ou dans des situations où on n’aurait pas sorti le baladeur.
Dans ces cas la comparaison est faussée car la rémunération du streaming s’ajoute à celle de l’achat, et là même une petite rémunération doit être vue comme un succès.
Compter en rémunération par écoute au lieu de compter en rémunération globale c’est tenter de faire coller un modèle de rareté, très adapté à la vente physique, au monde numérique qui lui est adapté à un modèle d’abondance : 0,0001 euro sur un million d’écoutes ou 0,01 euro sur 10 000 écoutes ça revient bien au même. L’important n’est pas le prix par écoute ou le nombre d’écoutes, mais combien ça rapporte au final.
Un modèle qui rapporte
Et si on s’attache au cumulé, sur les 9 premiers mois 2012 le streaming c’est un montant équivalent à 75% de l’achat numérique.
Les deux sont en progression donc l’un ne remplace pas l’autre. Le streaming c’est 30% de progression. Autant dire que c’est très bon.
Un marché porteur, nouveau, qui en partie s’ajoute aux précédents, avec une progression de 30%, dans un marché global en baisse, si on frissonne je peux imaginer que c’est de plaisir.
On lit d’ailleurs un peu plus bas que le streaming pèse 57% des revenus musicaux. Pour un modèle déclaré comme ne rapportant rien… ça fait peur.
Parlons de Johny et de répartition
Mais il y a un point très intéressant dans l’histoire, c’est le chiffre annoncé de 0,01 centime par écoute pour Johny Halliday.
Il faut dire que pour le même interprète on parle de 4 centimes pour un achat. Ses titres iTunes sont entre 99 c. et 1,29 euros. Ça veut dire qu’il a un droit d’auteur entre 4 et 5% du hors taxes. Franchement c’est très peu, et je n’y crois guère. Pas pour Johny. C’est particulièrement vrai pour lui qui dure depuis longtemps et qui a des ventes assurées. Il est même un cas particulier en ce qu’il est connu pour vendre très très bien son vieux catalogue. Il est donc probable qu’il arrive à négocier mieux.
Si les chiffres sont vrais, il y a problème et ce n’est pas lié au streaming ou au numérique mais aux contrats faits par les majors. Le problème est là.
C’est particulièrement vrai quand on regarde le 0,01 centime par écoute. Le même billet montre qu’il y a probablement un chiffre d’affaire de 4277 $ pour 800 000 écoutes, soit 0,41 centimes d’euros. L’histoire ne dit pas si c’est du hors taxes ou pas, mais même dans le meilleur des cas ça veut dire que que Johny touche 3% du hors taxe sur les écoutes en streaming, donc encore moins que pour un achat.
Je ne sais pas vous, mais là aussi, moi je n’irai pas taper sur le streaming. Il y a des intermédiaires qui doivent bien en profiter.
On le confirme encore dans le même billet quand le responsable Spedidam se plaint que les musiciens et choristes ne touchent rien du tout. Si le streaming rapporte peu en global c’est une vraie question (mais on a vu que ce n’était pas le cas). Si par contre quelqu’un ne gagne *rien*, alors le problème est plus au niveau de la répartition des droits que sur les revenus générés.
Tout ça est encore illustré par le fait que les sociétés de streaming ne seraient toujours pas rentables. Pour des sociétés qui génèrent 36% des revenus de l’industrie et sachant que les artistes gagnent très peu en droits, il y a des gens qui se gavent au milieu. Je vous laisse deviner qui.
Plus que le streaming, ce sont les intermédiaires qui sont en question dans tous ces chiffres (et ce n’est pas neuf)
Musique, livres
Je me suis concentré ici sur l’exemple de la musique, pour montrer que non, le streaming en soi n’a pas à être peint en noir.
Maintenant pour moi les usages de musique et de littérature sont trop différents pour les associer. Les modèles économiques du streaming des deux activités n’ont pour moi rien de commun. On en parlera dans un autre billet.
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