Je suis d’accord avec une grande partie de ce billet, mais je ne pense pas qu’il réponde à la question de fond. Pour moi, le passage de développeur à manager pour progresser en salaire, c’est une réalité en France, pas un mythe (même si c’est moins marqué qu’il y a une dizaine d’années). Mon expérience montre que l’on me propose des salaires plus intéressants pour être manager que développeur et je pense pourtant avoir bien plus à apporter en tant que développeur qu’en tant que manager.

J’ai l’impression que la cause profonde est la difficulté à évaluer la productivité d’un développeur. C’est un problème complexe, je n’ai pas de solution à ça, mais une conséquence est de rendre difficile l’évaluation de la valeur d’un développeur et ça a tendance à niveler le salaire (à années d’expérience égales). Le manager a également une productivité difficile à évaluer, mais son importance et son image sont mieux valorisées que celle d’un développeur, et cela suffit pour que passer de développeur à manager permette de gagner en salaire (même sans apporter plus à l’entreprise).

Je vais reprendre certains passages du billet que je trouve peu précis :

> L’enjeu est cepen­dant que, effec­ti­ve­ment, la produc­ti­vité indi­vi­duelle n’est pas linéaire avec l’an­cien­neté. On progresse souvent bien plus les premières années que les suivantes.
> À péri­mètre iden­tique, on voit plus faci­le­ment la diffé­rence entre deux déve­lop­peurs avec 2 et 5 ans d’ex­pé­rience qu’entre deux déve­lop­peurs avec 10 et 13 ans d’ex­pé­rience.

Avec une productivité individuelle linéaire par rapport à l’ancienneté, on constaterait aussi une plus grande différence entre deux développeurs avec 2 et 5 ans d’expérience qu’entre deux développeurs avec 10 et 13 ans d’expérience. Donc l’exemple ne permet pas d’appuyer les propos de la première ligne.

Pour ma part, je ne considère pas que la productivité individuelle soit linéaire avec l’ancienneté, mais c’est surtout parce que la progression n’est pas régulière et n’est pas la même pour tout le monde. Certains développeurs vont plafonner au bout de quelques années, d’autres peuvent changer de contextes, apprendre de nouvelles techniques, et devenir en quelques mois bien plus performants.

Donc, je suis d’accord pour dire que la contribution d’un développeur n’est pas proportionnel au nombre d’années d’expérience, mais je refuse de croire que l’on plafonne forcément au bout de 10 ans d’expérience. Pour ma part, j’ai 15 ans d’expérience et j’ai toujours l’impression d’apprendre beaucoup et de continuer à m’améliorer.

> Le salaire dépend de ce que vous appor­tez, pas de votre ancien­neté.

Je dirais plutôt que le salaire dépend de ce que perçoit votre employeur, pas de ce que vous apportez.

> Amélio­rez la les condi­tions de travail d’une équipe, les dix personnes concer­nées n’aug­men­te­ront peut-être leur produc­ti­vité que 5 % chacun, mais cumulé c’est aussi perti­nent qu’aug­men­ter votre effi­ca­cité person­nelle de 50 %… et bien plus facile.

Ce n’est vrai que si l’efficacité moyenne des dix personnes est proche de la vôtre. Mais, souvent, pour être capable d’augmenter la productivité de 10 personnes de 5%, il faut être plus expérimenté et plus productif. Je considère que gagner 5% d’efficacité sur 10 personnes est une tâche vraiment compliquée (sauf à ce que les 10 personnes soient vraiment juniors), et souvent l’optimum est un mélange entre progresser soi-même et faire progresser les autres (valable aussi bien en tant que dév qu’en tant que manager).

> Si vous impac­tez plusieurs personnes, vous pouvez géné­rez une valeur supé­rieure à ce que vous pour­riez obte­nir isolé­ment.

Je suis très gêné par cette phrase. J’ai plutôt tendance à penser qu’elle est fausse, en tout cas pas sans préciser que l’on parle du long terme. Un proverbe dit : si vous voulez aller vite, partez seul, si vous voulez aller loin, partez à plusieurs. Dans mon cas, je ressens fortement ça : quand on me demande d’aller vite sur un sujet, je vais souvent privilégier d’y aller seul parce que je sais que j’ai les capacités pour dérouler très vite. Par contre, sur le long terme, avoir d’autres personnes (même bien moins efficaces) avec qui travailler ensemble apporte du confort : ça veut dire que d’autres personnes peuvent m’aider à progresser et à détecter quand je fais des erreurs (nul n’est parfait, et tout le monde a des jours « sans »), ça veut dire que je peux partir en congé sans m’inquiéter à être le seul à savoir dépanner le produit, ça veut dire que je peux passer sur un autre projet sans avoir à continuer la maintenance sur les anciens projets, etc.

> Quand la produc­ti­vité indi­vi­duelle plafonne, pour progres­ser il faut agir sur le collec­tif.

Non, je pense qu’il ne faut surtout pas attendre que sa productivité plafonne pour agir sur le collectif. Et à l’inverse, ce n’est pas parce que l’on agit sur le collectif qu’il faut arrêter de chercher à progresser individuellement. Il y a un équilibre à trouver entre les deux, et ça dépend pas mal du contexte dans lequel vous travaillez : sur des prototypes, des start-ups, la recherche de vitesse est souvent le critère le plus important et travailler seul ou en petit groupe est souvent le plus efficace. Sur des projets plus longs, avec une importance sur la stabilité, travailler à plusieurs et faire progresser le collectif est souvent préférable.

> Un déve­lop­peur avec beau­coup d’ex­pé­rience qui ne perçoit pas son rôle collec­tif a besoin de faire une sacré diffé­rence de produc­tion indi­vi­duelle par rapport aux plus jeunes pour justi­fier son salaire.

Oui, et c’est d’autant plus vrai que je ne pense pas que le salaire soit proportionnel à la productivité. Je pense être 10x plus productif que quand j’ai commencé à travailler et pourtant je ne gagne pas 10x plus (loin de là).

> Le problème n’est pas de faire du mana­ge­ment ou pas, mais de lever un peu la tête pour voir ce qu’on peut appor­ter, où et comment.

Oui, si vous voulez apporter plus à votre entreprise et vous épanouir, c’est un très bon conseil. J’approuve totalement. Par contre, si vous voulez vraiment gagner en salaire, le management reste une bonne option.