Je me permets de republier le commentaire que j’ai laissé sur le blog de STPo à ce sujet.

Intégrateur, développeur front-end, designer front-end… ces querelles de taxonomie et d’intitulés relèvent de la masturbation intellectuelle. Pour ma part, je ne fais pas de distinction « sémantique » entre un intégrateur et un développeur front-end, en ce sens que ces deux appellations couvrent une même réalité.

S’il y a deux questions centrales, elles ne concernent pas l’appellation à donner au métier de bon nombre de commentateurs , mais la reconnaissance d’un tel profil, d’une part, et le périmètre technique, d’autre part.

En ce qui concerne la première question centrale, si le métier d’intégrateur / développeur front-end est reconnu comme un métier à part entière, avec les honneurs dus à son rang, dans les pays anglo-saxons (c’est, du moins, l’impression que j’en ai quand j’écoute les conférences d’un Kaelig Deloumeau-Prigent ou que je contemple le travail qu’a pu pondre ce même Kaelig pour BBC News ou le Guardian), il souffre encore d’un manque de reconnaissance dans nos contrées. Même si ça peut bouger favorablement çà et là (je ne doute pas un instant, par exemple, que Nicolas soit reconnu à sa juste valeur dans l’agence où il travaille, même s’il est vrai que son agence est suisse et qu’il est « le Suisse-allemand de la qualité Web » ;) ), combien de fois pouvons-nous constater que le travail livré par un développeur front-end n’a pas été respecté par le développeur back-end (par exemple, des gabarits HTML statiques et valides selon le doctype employé cessant de réussir le test du validateur du W3C une fois le site mis en production) ? Combien de fois pouvons-nous constater que la propreté du code livré par un développeur front-end se retrouve salie par un développeur back-end ou par ceux qui sont chargés de la maintenance ? Combien de fois pouvons-nous tomber sur des agences ou des SSII qui ne veulent pas lâcher les sous quand il s’agit de rémunérer à sa juste valeur un développeur front-end, qu’il soit salarié ou prestataire ? Combien de fois tombons-nous sur des offres de poste ou de mission de développement front-end qui ne jurent que par des frameworks CSS comme Bootstrap (pour ma part, je ne porte absolument pas les frameworks CSS dans mon cœur, surtout les frameworks tendant à l’usine à gaz) ?

Cette dernière interrogation m’amène à la seconde question centrale. Pour ma part, j’attends d’un intégrateur / développeur front-end qu’il soit capable non seulement de coder du HTML sans éditeur WYSIWYG, mais aussi de savoir coder des CSS sans recourir à un préprocesseur (même si l’utilisation d’un préprocesseur facilite grandement la productivité et la maintenance des projets Web pour la partie CSS, et c’est un grand fan de Sass qui parle), de savoir monter des gabarits HTML sans utiliser de framework (je parie qu’on peut facilement tomber sur des CV qui annoncent une grande maîtrise du HTML et de CSS, mais qui proviennent de profils qui ne savent pas coder autrement qu’en utilisant Bootstrap), de savoir coder en JavaScript sans recourir à une bibliothèque JavaScript (et, lorsqu’il en utilise, de savoir ne pas se ruer sur le premier plug-in jQuery venu). À propos de JavaScript, vu que j’estime qu’un intégrateur / développeur front-end est, à la base, destiné à intervenir sur des pages Web classiques (ou des gabarits d’emails en HTML), je n’attends pas de ce dernier qu’il cherche obligatoirement à maîtriser Angular, Backbone ou tout autre framework JavaScript ni Node.js, auquel cas je préfère qu’on emploie les termes de développeur Angular, développeur Backbone, développeur Node.js… Quant aux outils, à la rigueur, on s’en fiche : ce n’est pas l’outil qui fait le développeur et on ne peut se permettre de mettre en ban un intégrateur / développeur front-end parce qu’il n’utilise pas tel éditeur de code, qu’il ne met pas en place des tests unitaires ou qu’il n’utilise pas Grunt, Gulp ou tout autre outil plus ou moins à la mode qui vous passe par la tête.

En ce qui me concerne, je me sens développeur : quand je fais de l’intégration HTML / CSS, je fais du développement. Certes, il n’y a pas de MVC dans les parages ; mais, c’est du développement au même titre que du développement PHP, du développement Ruby ou du développement Java, et du développement qui a son lot de spécificités, d’épreuves, de débogages, de difficultés parfois, en un mot de connaissances précises, voire pointues. Autrement dit, si c’était aussi facile et aussi négligeable et si ça ne valait pas la peine de se battre pour sa reconnaissance, des gens comme Nicolas ou moi auraient changé de métier depuis longtemps.

En revanche, je ne me sens pas designer : je ne fais pas de créa et, même si je peux être amené à critiquer la faisabilité de l’intégration d’une maquette sous Photoshop, Fireworks ou Illustrator ou à être force de proposition à l’égard du travail des métiers de la créa (dans une perspective constructive et dans le respect de ces métiers, cela s’entend), quand j’utilise mes mains, c’est pour manier les touches du clavier, pas pour manipuler un stylet sur une tablette graphique.

En résumé, à partir du moment où les cordes à son arc comportent le HTML, les CSS et le JavaScript, et à haute dose, on est intégrateur ou développeur front-end, les deux appellations étant équivalentes. Et, à partir du moment où l’on touche aussi, par exemple, à Angular, à Node.js, aux performances, à l’accessibilité, à la qualité Web, à l’ergonomie ou à la créa, on devient un profil polyvalent.